[article invité] Recommandations pour les donateurs imposables

Mata'i Souchon
22/1/2025

Merci à Mata'i de nous avoir permis de reposter cet article, originalement publié sur son blog.

En France, les dons à des associations d’intérêt général ouvrent droit à une réduction fiscale de 66 % (voire, dans certains cas spécifiques, à 75 %). Concrètement, vous faites vos dons toute l’année en conservant bien les reçus fiscaux, et vous comptez la somme de tous vos dons défiscalisables réalisés sur l’année (par exemple 1 000 €). Puis au printemps de l’année suivante, vous indiquez ce total sur votre déclaration de revenus (case 7UF dans la plupart des cas). La réduction fiscale (660 € dans mon exemple) apparaît alors sur votre avis d’impôt édité en juillet. Si l’État vous a déjà prélevé à la source, il vous rend le trop-perçu sous forme de virement effectué au début du mois d’août.

Bien que ce dispositif soit à ma connaissance le plus incitatif au monde, j’entends fréquemment des donateurs tenir des raisonnements qui montrent qu’ils n’ont pas compris la puissance du dispositif et ratent l’opportunité de maximiser l’impact de leurs dons.

Voici mes principales recommandations à destination des personnes imposables qui font des dons à des associations d’intérêt général (c’est-à-dire les associations qui délivrent des reçus fiscaux).

Si vous n’êtes pas imposable, il peut quand même y avoir un enjeu d’augmenter l’impact de vos dons grâce à la réduction fiscale. Par exemple, si vous faites partie du foyer fiscal de vos parents, vous pouvez donner trois fois plus (à budget constant !) et demander à vos parents de déclarer vos dons – j’en parle en détail dans cette conférence. Ou bien si vous n’êtes pas imposable mais allez le devenir dans les prochaines années, il y a aussi l’option de mettre de côté les sommes que vous voudriez donner et d’attendre de devenir imposable pour pouvoir donner trois fois plus à coût constant (lisez la suite de l’article si cette idée vous paraît trop belle pour être vraie !). Cette option fonctionne bien… pour autant que vous deveniez effectivement imposable, que vos convictions restent stables, et que les associations pour lesquelles vous reportez le don à plus tard ne se retrouvent pas à saborder des projets importants entre temps par manque de financement.

Utilisez la réduction fiscale pour augmenter vos dons (et non pour faire des économies facultatives)

Bien souvent, j’entends des donateurs me dire par exemple « Je veux donner 100 € » sans que l’existence de la réduction fiscale n’intervienne dans leur réflexion. Quand je leur dis « Si tu déclares ton don, tu obtiendras 66 € de réduction fiscale et le coût réel sera de 34 € », et que la réponse que j’obtiens est « Ah d’accord, très bien. », j’ai l’impression que la personne n’a pas bien intégré l’enjeu : elle semble voir la réduction fiscale comme un bonus, une bonne surprise pour son pouvoir d’achat, qui ne change rien à la réflexion sur le montant du don.

Or le but de la réduction fiscale n’est pas de faire des économies « bonus » (en permettant, dans mon exemple, de dépenser 34 € au lieu de 100 € à une personne qui était pourtant prête à dépenser 100 €). L’intérêt de cette réduction fiscale pour l’État est de soutenir le développement d’activités d’intérêt général, en incitant les contribuables à augmenter le montant de leurs dons à des associations exerçant de telles activités.1

Ainsi, pour une personne qui est prête à dépenser environ 100 €, il faut en réalité qu’elle donne 300 € pour que son don, après réduction fiscale, lui coûte 102 €.2

Dans mon exemple :

  • Si la réduction fiscale est mal utilisée (le donateur maintient son don de 100 € alors qu’il était prêt à dépenser pour de vrai la somme de 100 €), elle permet au donateur de gagner un bonus de pouvoir d’achat de 66 €.
  • Si la réduction fiscale est bien utilisée (le donateur triple le montant de son don et donne 300 €, ce qui lui revient à 102 € après réduction fiscale), elle permet que l’association reçoive 200 € de plus que prévu, à budget quasi identique.3

On voit bien qu’il n’y a pas de symétrie dans les montants : dans un cas, vous gagnez 66 € de pouvoir d’achat ; dans l’autre, l’association gagne 200 € de plus ! L’enjeu de bien utiliser la réduction fiscale est donc tout sauf anecdotique pour pouvoir maximiser l’impact de vos dons.

Mon conseil : réfléchissez d’abord à combien vous souhaitez vraiment dépenser pour votre don, puis dans un second temps, divisez ce nombre par 0,34 pour fixer le montant de votre don. Par exemple, si vous souhaitez dépenser 1020 € pour des dons à des associations d’intérêt général chaque année, vous divisez 1020 par 0,34 et le calcul vous montre que vous devez alors donner 3000 € pour honorer votre souhait.

Ne vous attardez pas sur la limite des 20 %

On lit sur la plupart des formulaires de don aux associations que la réduction fiscale est possible « dans la limite de 20 % du revenu imposable », sans grande clarté sur ce qui est limité à 20 % (la réduction ou le don ?) ni sur ce qu’est le revenu imposable (le salaire net ? en comptant les revenus financiers ?). Il en résulte une certaine confusion chez les donateurs, qui croient trop souvent que ce qui limite le recours à cette réduction fiscale est la limite des 20 %, tout en étant incertains sur le calcul de ce plafond dans leur situation particulière.

En réalité, cette limite de 20 % ne mérite pas votre attention :

  • la plupart des gens donnent moins de 20 % de leur revenu imposable et l’existence de cette limite n’a donc aucune implication pour eux ;
  • si vous faites partie des rares personnes à donner au-delà de cette limite, vous verrez que l’excédent est reportable sur vos avis d’impôt des années suivantes (dans la limite de 5 années).

Prenez le temps de simuler vos impôts chaque année entre septembre et novembre

À la différence des crédits d’impôts, les réductions d’impôts sont des dispositifs qui ne s’appliquent que dans la limite des impôts que vous êtes initialement censés payer. La réduction fiscale est limitée à l’impôt dû : si vous payez 100 € d’impôt par an, vous pouvez bénéficier de 100 € de réductions fiscales, et pas un euro de plus.4

Simuler vos impôts est donc une démarche indispensable pour vous permettre de connaître votre plafond de dons.

Vous pouvez utiliser un simulateur tel que celui proposé sur ce site. Attention à bien utiliser un simulateur à jour de la dernière loi de finances : le barème est revu chaque année par le Parlement pour suivre l’inflation. Le simulateur officiel (qui a toujours un an de retard) est donc inadapté. Par exemple, pour vos dons réalisés en 2025, vous avez besoin d’un simulateur de l’impôt 2026 sur les revenus de 2025.

Ne vous fiez pas aux sommes éventuellement prélevées à la source : ce ne sont que des acomptes très approximatifs, parfois très éloignés de la réalité (typiquement si vous commencez un emploi en cours d’année après une période d’études ou de chômage faiblement indemnisé).

Étant donné que les lois de finances sont adoptées au 4e trimestre de chaque année (et qu’elles portent sur l’imposition des revenus de la même année – nos parlementaires font les choses à la dernière minute !), et que les impôts sont calculés sur vos revenus annuels (que vous ne pouvez donc estimer avec une bonne précision qu’à l’approche de la fin d’année), la meilleure période pour simuler vos impôts est entre septembre et novembre.

Pourquoi ne pas attendre décembre, me demanderez-vous ?

Je préconise de ne pas dépasser novembre pour se pencher sur la question, afin de garder le mois de décembre pour réaliser ses dons en ayant à l’esprit son plafond de dons défiscalisables (car il faut se laisser une marge pour cela, que trop de gens sous-estiment – j’y viens plus loin).

En outre, s’y prendre à l’avance est une condition essentielle pour vous laisser l’opportunité de chercher si besoin les éventuelles informations manquantes pour la réalisation d’une bonne simulation – auprès de l’administration fiscale si vous voulez connaître le régime d’imposition de revenus perçus à l’étranger ou de revenus de cryptomonnaies, auprès d’un employeur qui vous remet vos fiches de paie sur une plateforme à laquelle vous n’arrivez pas à vous connecter, auprès de France Travail pour obtenir une attestation précisant le montant imposable de votre allocation de retour à l’emploi (différent du montant versé sur votre compte bancaire), auprès d’une personne de votre entourage davantage à l’aise que vous avec les maths et la fiscalité, etc.

Mon conseil : simulez vos impôts chaque année le plus tôt possible entre septembre et novembre, soit par vous-même à l’aide d’un simulateur à jour, soit en vous faisant aider (par un expert-comptable si votre situation est complexe, ou par l’administration fiscale qui répond à vos questions via la messagerie en ligne si vous vous y prenez suffisamment tôt, ou par toute personne de votre réseau qui sait faire ce genre de simulation). Votre plafond de dons défiscalisables se calcule ensuite en divisant le montant de vos impôts par 66 %. Par exemple, une personne censée payer 1 000 € d’impôt est limitée à 1 000 ÷ 0,66 = 1 515 € de dons défiscalisables.Réalisez vos dons avant mi-décembre maximumJ’ai été confronté plusieurs fois à des cas où les dons n’ont pu être réalisés avant le 31, ou bien où il s’en est fallu de très peu pour que la date soit dépassée :

  • … mais s’y prend après 17h30 sans savoir que cela implique de perdre un jour ouvré de plus, et le virement arrive trop tard.
  • … mais bien qu’elle s’y soit prise avant 17h30, elle oublie de vérifier qu’il reste 1 jour ouvré (idéalement 3, vu que certaines banques ne respectent pas le délai réglementaire) avant la fin de l’année.
  • … mais elle fait la demande de virement depuis le guichet de son agence bancaire, ignorant que cela autorise la banque à rajouter 1 jour ouvré de délai de traitement.
  • … mais il y a n’importe quel imprévu dans sa vie qui fait qu’elle rate le dernier jour de l’année et ne déclenche pas le virement.
  • … mais sa banque impose un délai de sécurité de 24 à 48h avant de pouvoir passer un virement à un nouveau bénéficiaire.
  • … mais sa banque impose un plafond sur ce type de virement, dont elle ignorait l’existence.
  • … mais sa banque suspend le traitement des virements instantanés le jour du 31 dans le cadre de la maintenance de ses systèmes (c’est du vécu !).
  • … mais les sécurités anti-fraude et anti-blanchiment d’argent déclenchent un contrôle aléatoire sur le virement à cause de son montant jugé inhabituellement élevé, ce qui entraîne une demande d’explications de la part de la banque, à laquelle il faut répondre, puis attendre que la réponse soit traitée, ce qui consomme plein de jours ouvrés pour que le virement soit exécuté in fine bien trop tard.
  • … mais elle n’a pas fait attention que son plafond de paiement par carte bancaire ne lui permettait pas de donner autant que prévu.
  • … mais sa banque impose un délai de sécurité de 24 à 48h avant de pouvoir passer un virement à un nouveau bénéficiaire.
  • … mais le don par carte bancaire est indisponible sur le site de l’association ciblée.
  • … mais l’association le réceptionne après le 31 et applique strictement la doctrine fiscale (BOI-IR-RICI-250-20 § 20, à savoir que c’est la date de réception du chèque qui compte) donc refuse d’éditer un reçu fiscal pour l’année considérée.
  • … mais bien que l’association réceptionne le chèque à temps, elle pense (à tort) que c’est la date de crédit du chèque sur son compte qui importe, et refuse d’éditer un reçu fiscal pour l’année considérée.
  • … mais la banque de l’association refuse l’encaissement du chèque car elle considère que la signature du donateur ou que la signature du représentant de l’association au dos du chèque n’est pas assez ressemblante (c’est du vécu !).

Mon conseil : réalisez vos dons avant la mi-décembre MAXIMUM.

Cela vous laissera le temps de gérer les imprévus s’il y en a. En dernier recours, si vous vous retrouvez le 31 décembre en fin de journée sans avoir réussi à faire arriver à temps votre don sur le compte de l’association que vous voulez soutenir, le mieux que vous puissiez faire est de remettre un chèque en personne à quelqu’un de l’association. Oui, ce n’est pas évident de trouver quelqu’un de disponible pour réceptionner votre chèque un 31 décembre avant minuit. Mais lorsque vous avez échoué à donner par carte bancaire et à faire en sorte que l’association réceptionne un virement à temps, c’est votre dernier recours.

Remarques finales

Cette liste de recommandations n’est pas exhaustive – n’hésitez pas à demander conseil !

La réduction fiscale sur les dons aux associations d’intérêt général qui existe en France est incroyablement incitative, mais aussi bien moins évidente à maîtriser qu’il n’y paraît en première approche. Je n’ai soulevé ici que les recommandations que je suis le plus fréquemment amené à formuler – il reste d’autres aspects qui méritent votre vigilance (la prise en compte de votre foyer fiscal dans son intégralité, la question de la date de versement de votre salaire si vous êtes salarié, la question de la réintégration des revenus financiers au barème progressif de l’impôt sur le revenu, et j’en passe). Si je ne devais donner qu’un conseil, ce serait celui-ci : prenez le temps de bien réfléchir à vos dons défiscalisables pour en optimiser l’impact, et faites-vous aider si besoin. Vous rendrez un grand service aux associations soutenues !

Privilégiez les dons mensuels si vous le pouvez

Si votre situation est stable et que vos impôts sont donc faciles à anticiper, considérez de mettre en place des dons mensuels plutôt que de réaliser tous vos dons au début du mois de décembre de chaque année. Les dons mensuels sont ce que les associations préfèrent, car cela leur permet de se projeter et d’évaluer combien de salaires elles peuvent payer chaque mois. Dépendre de dons annuels est insécurisant, surtout pour les associations employeuses : si le montant des dons qui parviennent à une association en décembre sont subitement très inférieurs à ceux de l’année précédente, cela lui laisse peu de temps pour chercher des financements complémentaires avant de devoir procéder à des licenciements en urgence. Tandis qu’avec les dons mensuels, si des donateurs interrompent leurs versements, la chute de revenus est moins brutale pour l’association.

Même lorsque vous réduisez à zéro votre impôt sur le revenu, vous contribuez quand même aux recettes de l’État

Certaines personnes s’inquiètent de ce que le recours à la réduction fiscale conduise à poser des difficultés budgétaires à l’État (on peut avoir l’impression de ne pas « faire sa part » lorsqu’on fait tellement de dons que l’on réduit son impôt sur le revenu à zéro). J’ai beaucoup de choses à dire sur ce point, mais je m’en tiendrai à trois arguments :

  1. Le montant des réductions fiscales est planifié dans les lois de finances adoptées chaque année au parlement, donc y recourir n’implique pas de rogner sur le budget des services publics : on consomme une enveloppe budgétaire prévue pour être consommée, qui peut être ajustée l’année suivante si la réalité a dépassé les prévisions.
  2. Je pense que la remarquable stabilité de cette réduction fiscale depuis des années (en dépit de la tendance des gouvernements de droite successifs à vouloir réduire les dépenses publiques) est un indice du fait que la plupart des parlementaires sont convaincus que celle-ci permet en réalité à l’État de faire des économies (les missions d’intérêt général étant assumées par des bénévoles et des salariés souvent payés au minimum, et non par des fonctionnaires). De fait, la réduction fiscale incite à dépenser davantage d’argent au service de l’intérêt général : si au lieu de dépenser 1 000 € d’impôt sur le revenu, vous donnez 1 515 € à une association et annulez donc totalement votre impôt sur le revenu, vous avez apporté 515 € de plus au service de l’intérêt général.
  3. L’impôt sur le revenu représente habituellement moins d’un quart des recettes fiscales de l’État. La principale source de recettes, c’est la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : tout le monde la paie. Que vous soyez imposable ou non à l’impôt sur le revenu, vous payez de toute façon des impôts tous les jours lorsque vous faites vos courses.

Cet article n’épuise pas le sujet de l’optimisation de l’impact des dons

L’incitation fiscale n’est qu’un aspect de la question de l’impact des dons. Un autre enjeu majeur est bien sûr celui du choix des associations soutenues. Pour ce qui concerne la cause animale, je recommande cette conférence d’Axelle Playoust-Braure, qui présente les outils de réflexion proposés par le mouvement de l’altruisme efficace pour bien réfléchir à l’impact de différentes initiatives.

Notes et références
  1. C’est d’ailleurs une source d’économies financières pour l’État : en soutenant des associations d’intérêt général via cette politique d’incitation fiscale, l’État profite du travail gratuit de bénévoles pour mener des missions qui coûteraient bien plus cher si elles étaient confiées à des fonctionnaires – ce qui fait d’ailleurs parfois l’objet de critiques suivant la vision qu’on a du rôle social de l’État.
  2. Elle donne 300 € mais récupère 300 x 66 % = 198 € en réduction fiscale, et donc le coût réel du don est de 300 – 198 = 102 €.
  3. En toute rigueur, si l’on veut raisonner à budget parfaitement constant, il faut diviser le budget par 34 % : on divise 100 € par 0,34 et on détermine qu’il faut donner précisément 294 € pour que le don revienne à pile 100 € après réduction fiscale. En effet, 294 x 66 % = 194 € de réduction fiscale, et 294 – 194 = 100 € de coût net.
  4. Pour être précis, il suffit même de réduire votre impôt de telle sorte qu’il passe sous le seuil de recouvrement de 61 € : lorsqu’on doit un montant d’impôt inférieur à ce nombre, l’administration fiscale ne prélève rien.

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