Guide pour mener une carrière à fort impact social
Note : Issu des recherches effectuées par l’organisme 80,000 Hours, ce guide s’adresse avant tout aux étudiantes, étudiants et jeunes diplômé-e-s souhaitant avoir le plus grand impact positif possible via leur carrière. Une grande partie du guide reste néanmoins tout à fait pertinente pour un public plus large. Enfin, ce guide ne saurait apporter de réponses définitives à un sujet aussi complexe que le choix de carrière et constitue seulement, et sans prétention, une introduction sur le sujet.
Votre vie professionnelle contient environ 80 000 heures. Vous allez donc consacrer plus de temps au travail dans votre vie qu’à pratiquement n’importe quelle autre activité, à part dormir. Savoir quelle carrière choisir est donc un enjeu majeur pour mener une vie réussie, à la fois pour s’épanouir personnellement et contribuer au bien commun. Il est courant dans l’altruisme efficace de considérer qu’un choix de carrière pertinent peut aider à résoudre les problèmes les plus urgents du monde. Pour vous y aider, j’ai rédigé ce guide qui s’appuie sur les recherches menées par l’organisation 80,000 Hours.
Ce guide se divise en trois parties :
- Pourquoi choisir une carrière à fort impact social ?
- Quelles sont les carrières à fort impact social ?
- Comment parvenir à une carrière à fort impact social ?
Je traiterai donc des déterminants d’une carrière satisfaisante, des différentes opportunités d’avoir un impact positif via son métier, des problèmes globaux les plus urgents, des meilleures stratégies pour contribuer à les résoudre, et des méthodes pour les appliquer dans la pratique.
I) Pourquoi choisir une carrière à fort impact social ?
Une opportunité exceptionnelle d’avoir un impact positif sur le monde
L’histoire contient de nombreux exemples de personnes ayant eu un impact positif immense — comme le scientifique Norman Borlaug à qui on attribue le mérite d’avoir sauvé des centaines de millions de vie grâce à ses recherches sur les variétés de blé, ou le lieutenant-colonel soviétique Stanislav Petrov qui a peut-être empêché le déclenchement d’une guerre mondiale en choisissant de ne pas prévenir ses supérieurs qu’un radar avait détecté une attaque nucléaire ennemie alors qu’il s’agissait d’une fausse alerte. On peut encore citer Grace Eldering, Pearl Kendrick et Loney Gordon, qui ont travaillé pendant la Grande Dépression pour mettre au point un vaccin qui a depuis permis d’éviter des millions de décès dus à la coqueluche.
Si ces histoires incroyables sont rares, de nombreuses personnes peuvent aussi avoir un impact positif considérable sur le monde si elles font simplement des choix judicieux. Cela semble manifeste quand on observe ce qu’il est possible de faire uniquement avec des dons : une personne gagnant le revenu moyen en France peut ainsi régulièrement sauver des vies au cours de son existence en donnant 10 % de ses gains à l’Against Malaria Foundation ou à d’autres ONG spécifiques. De nombreuses personnes au sein de l’altruisme efficace estiment qu’un choix de carrière pertinent d’un point de vue altruiste permettrait d’avoir un impact bien supérieur encore aux simples dons. Un bon choix de carrière apparaît ainsi comme une des meilleures opportunités altruistes au cours de la vie d’un individu.
Une réflexion fondamentale dans une vie
Comme une carrière dure près de 80 000 heures, il est clair que consacrer du temps à son orientation professionnelle peut aider à mener une vie plus bénéfique pour la société (et pour vous). Ainsi si vous pouviez augmenter l’impact de votre carrière de 1 %, cela vaudrait en théorie la peine de passer 800 heures (un centième de 80 000 heures) pour découvrir comment.
Toutefois, il est très difficile de s’assurer que l’on mène une carrière réellement bénéfique sans prendre la peine de mener auparavant une réflexion approfondie sur le sujet. Ainsi, si la plupart d’entre nous — voyant la souffrance ou l’injustice — veulent s’engager dans une carrière altruiste, déterminer comment y arriver semble être plus compliqué qu’il n’y paraît. De manière générale, de nombreux efforts pour aider les autres ont un effet faible ou nul. Par exemple, « parmi les programmes sociaux ayant fait l’objet d’une évaluation rigoureuse, la plupart (peut-être 75%, voire plus) […] n’ont peu ou pas d’effets significatifs » selon David Anderson, « et même dans certains cas des effets négatifs ». Beaucoup de personnes qui s’appuient uniquement sur leur intuition pour agir de manière altruiste ont donc un impact bien inférieur à celui qu’elles pourraient avoir.
De nombreuses personnes au sein de l’altruisme efficace considèrent qu’« avoir un impact social » consiste essentiellement à maximiser sur le long terme le bien-être des individus sentients, c’est-à-dire les individus qui ont une activité mentale subjective et qui peuvent donc souffrir, tout en restant ouvertes à d’autres définitions et points de vue. L’objectif est ainsi que le plus de personnes possibles puissent vivre une vie épanouissante, longue, en bonne santé, et exempte de souffrances évitables. Par souci d’impartialité, les adhérent.e.s aux idées de l’altruisme efficace accordent une importance égale aux intérêts de chacun.e, et évitent donc de privilégier les intérêts de certains individus sur la base de critères arbitraires tel que l’ethnie, le genre, la nationalité, le lieu de résidence ou autre. Beaucoup d’entre eux incluent donc dans leur « sphère de considération morale » les animaux non-humains et les générations futures, par exemple.
Quoi qu’il en soit, face aux grandes incertitudes que posent toutes ces questions morales, il est important de rester humble et ouvert.e sur d’autres hypothèses ou pistes de réflexion.
Les raisons éthiques
1) Une obligation morale d’être altruiste
Réfléchir à l’impact que l’on peut avoir à travers sa carrière a des implications éthiques. Le philosophe Peter Singer en énonce une dans son célèbre article « Famine Affluence and Morality », dans lequel il défend l’idée que la majorité des gens des classes moyennes et supérieures ont un devoir moral d’aider les autres. Il propose l’expérience de pensée suivante :
« Imaginez que sur le chemin qui vous mène à votre travail, il y ait un étang peu profond. Un matin vous remarquez qu’un enfant est tombé dedans et semble se noyer. Il serait facile pour vous de sortir l’enfant de l’eau mais ça vous demanderait de mouiller vos vêtements, de ressortir boueux, et d’arriver très en-retard à votre travail. Avez-vous l’obligation de sauver l’enfant ? ».
Toutes et tous les étudiant.e.s répondent que oui. L’importance de sauver un enfant l’emporte de loin sur le coût de salir ses vêtements, ou d’arriver en retard au travail.
Peter Singer demande ensuite à ses étudiants si l’existence de témoins passifs à la scène changerait quelque chose, ce à quoi ils répondent que ça ne fait pas de différence. Puis Peter Singer pose la question suivante : « Est-ce que cela changerait quoi que ce soit si l’enfant était loin, dans un autre pays peut-être et que vous pouviez le sauver dans la mesure de vos moyens et sans grand frais pour vous-même ? ». Presque toutes et tous conviennent que la distance et la nationalité n’ont aucune incidence morale sur la nécessité de sauver l’enfant.
Peter Singer théorise cette conclusion en une phrase : s’il est en notre pouvoir d’empêcher que quelque chose de mal ne se produise, sans pour autant sacrifier quoi que ce soit d’une importance morale comparable, nous avons un devoir moral de le faire. Par exemple, dans le cas de l’enfant qui se noie, abîmer un costume à 1000 euros et être en retard à son travail ne semble pas d’une importance morale comparable à la vie d’un enfant sauvé. Ce principe s’applique que l’enfant soit celui de votre voisin ou celui d’un Bengali à huit mille kilomètres de distance, et il est valable que nous soyons seul.e ou bien plusieurs millions de personnes à pouvoir agir et aider l’enfant.
2) Le devoir de bienfaisance
On peut nommer une telle obligation morale le devoir de bienfaisance : les personnes qui ont un train de vie suffisamment confortable devraient tenter d’améliorer significativement le quotidien de celles qui en ont le plus besoin. On peut accomplir ce devoir de bienfaisance de multiples manières. Par exemple, en faisant du militantisme politique, en donnant un pourcentage important de son revenu à des ONG (l’organisation Giving What We Can propose par exemple de s’engager à donner 10% de son revenu tout au long de sa vie en souscrivant à une promesse de don), en choisissant une carrière à fort impact social (c’est l’objet de ce guide) ou en faisant du bénévolat dans des associations.
Un tel devoir moral peut être établi en s’appuyant sur un grand nombre de théories morales. En fait, il est difficile même d’imaginer une théorie morale crédible qui ne promeuve pas les actions altruistes. Par exemple, l’utilitarisme énonce qu’il faut agir de manière à maximiser le bien-être ou la satisfaction du plus grand nombre ; c’est une forme de conséquentialisme, système moral qui prône qu’une action moralement juste est une action dont les conséquences sont bonnes. Ici, pour un.e utilitariste, il semble aller de soi que le bien-être global sera supérieur si 1000 euros d’une personne riche sont utilisés pour aider d’autres individus plutôt que si cette dernière les utilise pour elle-même (par exemple, pour acheter le dernier smartphone en vogue !). D’autant plus que de nombreuses études semblent indiquer que le revenu a un impact marginal décroissant sur le bonheur, c’est-à-dire que l’effet d’une augmentation de revenu sur notre bonheur est plus faible quand on a déjà un revenu élevé.
L’éthique déontologique affirme que chaque action humaine doit être jugée selon sa conformité à certains devoirs, comme le devoir de dire la vérité ou celui de celui de tenir ses promesses. Il semble très raisonnable de penser qu’à côté de ces devoirs, il existe aussi un devoir d’aider les autres.
Enfin, l’éthique de la vertu se concentre davantage sur la question : quelle personne dois-je être ? Une réponse intuitive est qu’il faut être une personne vertueuse qui manifeste dans ses actions des qualités telles que le courage, l’honnêteté, la justice ou la générosité. Une mise en pratique de la générosité et de la justice pourrait précisément consister à essayer d’aider autrui.
En définitive, il apparaît relativement consensuel que le respect d’un devoir de bienfaisance est moralement désirable.
3) La nécessité d’essayer de maximiser sa contribution
Je viens d’essayer de souligner que selon le devoir de bienfaisance, il pouvait relever de la responsabilité morale de l’individu que d’essayer d’aider autrui s’il le peut au cours de sa vie. Sur la façon de procéder, le but est ici de montrer qu’il faut le faire de la façon la plus efficace possible.
Le raisonnement est simple : si l’on ne cherche pas à maximiser son impact lorsque l’on cherche à faire du bien, alors cela signifie que des individus vont subir des souffrances qu’il était possible d’éviter. À partir du moment où l’on admet que combattre la souffrance évitable est une priorité, essayer de le faire de la façon la plus efficace possible semble tout à fait raisonnable.
On peut être tenté de penser que, dès lors que l’on donne à une association faisant de « bonnes choses », nous avons fait ce qu’il fallait. Qu’il y a peu de différences de résultat parmi les interventions menées par les ONG. Pourtant, des études suggèrent qu’il existe des différences énormes en termes d’impact, certaines ONG pouvant être 100 voire 1 000 fois plus efficaces que d’autres (d’où l’importance de prendre connaissance des évaluations de l’impact des associations auxquelles on souhaite donner). Ainsi selon GiveWell, une organisation qui cherche à identifier les ONG les plus efficaces dans le domaine de la pauvreté et de la santé globale, il faudrait environ 3 500 dollars pour sauver une vie via la distribution de moustiquaires contre le paludisme.
Un tel principe de maximisation nous amène à considérer le choix d’une cause en grande partie en fonction de la contribution que l’on pourrait apporter, et à essayer d’être le plus objectif possible dans nos actions altruistes.
On peut néanmoins souligner que même si le principe de maximisation est valable lorsque l’on cherche à faire du bien, cela ne doit pas conduire à instrumentaliser chaque instant de sa vie à des fins altruistes : quelqu’un qui chercherait à maximiser en permanence la contribution qu’il apporte sans considérer son propre bien-être risquerait de très vite s’épuiser ou de perdre sa motivation. Cela ne serait donc pas souhaitable à long terme.
Au-delà de l’obligation morale, pour beaucoup de personnes, faire avancer des causes bénéfiques reste avant tout une opportunité passionnante. Allier la raison et l’empathie est stimulant intellectuellement tout en étant potentiellement une source profonde d’épanouissement. De nombreuses études suggèrent d’ailleurs un lien de causalité entre le bonheur et l’altruisme, ce que nous allons voir immédiatement.
S’épanouir en étant altruiste et efficace
Impact social et bien-être peuvent sembler antinomiques — mais c’est selon moi souvent loin d’être le cas. Après avoir analysé deux décennies de recherches sur les facteurs permettant de mener une carrière épanouissante, l’organisme de recherche 80,000 Hours a identifié qu’un travail satisfaisant se caractérisait principalement par la présence de deux éléments : être compétent.e dans son domaine (1), et contribuer à la société (2).
1) Le fait d’être compétent.e procure souvent un agréable sentiment d’accomplissement. Par ailleurs, être compétent.e devrait vous donner les cartes en mains pour négocier les autres composantes d’un travail satisfaisant : gagner un salaire décent, monter en responsabilité, ou effectuer des tâches intéressantes. Pour ces deux raisons, la compétence dans son métier est souvent au moins aussi importante que l’intérêt ou la passion qu’on lui porte.
2) Si aider les autres est considéré par de nombreuses personnes comme un but en soi, cela semble également un facteur clé du bien-être. Ainsi de nombreuses études abondent dans le sens d’une corrélation entre altruisme et bonheur. La générosité financière accroît le bien-être dans une variété de contextes. Par ailleurs, les avantages émotionnels des dons se manifestent même lorsque les donateurs n’interagissent pas avec les bénéficiaires.
Enfin, il a été montré que les éléments suivants sont également importants : avoir des collègues qui vous soutiennent, maintenir un rapport équilibré entre travail et vie personnelle, et éviter quand cela est possible des conditions de travail particulièrement mauvaises (telles qu’une rémunération indécente ou des trajets domicile-travail trop longs).
Conclusion
Vous avez 80 000 heures dans votre carrière, et vous pouvez les utiliser pour contribuer à résoudre les problèmes les plus urgents et importants au monde.
Il existe de nombreuses façons d’avoir un impact social important. Par ailleurs, des décennies d’études suggèrent qu’aider les autres est un facteur clef d’un travail épanouissant. Devenez doué dans un métier qui contribue à rendre le monde meilleur, et vous éprouverez sans doute un grand sentiment d’accomplissement.
II) Quelles sont les carrières à fort impact social ?
Nous avons vu pourquoi votre choix de carrière pouvait faire l’objet d’une démarche altruiste. D’où l’importance de mener une carrière « à fort impact social ». Il est temps désormais de se pencher sur quelques causes identifiées par de nombreuses personnes dans l’altruisme efficace comme parmi les plus importantes et urgentes à considérer, et sur les meilleures opportunités pour y contribuer. Si cet article n’offre qu’une réponse sommaire à des questionnements essentiels, il renvoie néanmoins à des explications plus détaillées et d’autres ressources issues du site de 80,000 Hours que vous pourriez trouver utiles.
Quels sont les problèmes les plus urgents ?
Le facteur le plus important pour déterminer l’impact espéré de son travail est sans doute le problème sur lequel vous vous concentrez — que ce soit le changement climatique, l’éducation, le système politique ou économique ou encore le développement technologique.
Beaucoup de personnes dans l’altruisme efficace utilisent le cadre de pensée suivant, qui a bien sûr ses limites, pour déterminer les causes vers lesquelles nous devrions prioritairement nous tourner :
- Ampleur : combien d’individus sont affectés par le problème, et avec quelle gravité ? Il apparaît en effet logique d’essayer d’abord de soigner une maladie tuant 20 millions de personnes, plutôt qu’une autre maladie affectant modérément 1 million de personnes.
- Potentiel d’amélioration : quelle fraction du problème peut-on espérer résoudre en augmentant les ressources qui y sont allouées ? Certains problèmes sont quasi insolubles avec nos moyens actuels, tandis que d’autres bénéficient de solutions relativement abordables.
- Caractère négligé : quelle quantité de ressources est déjà allouée à la résolution du problème ? Quand une cause reçoit beaucoup d’attention, il est plus que probable que des personnes se soient déjà penchées sur les actions et solutions les plus prometteuses.
Quelles sont donc les enjeux — à la fois résolubles et négligées — les plus importants pour le bien-être global à long-terme ?
En 1939, Einstein écrivait à Roosevelt : « Il est possible de mettre en place une réaction nucléaire en chaîne dans une grande masse d’uranium… et il est concevable — quoique beaucoup moins certain — que des bombes d’un nouveau type extrêmement puissant puissent ainsi être construites ». Quelques années plus tard, ces bombes furent créées. En un peu plus d’une décennie, elles avaient été produites en assez grand nombre pour que, pour la première fois dans l’Histoire, une poignée de personnes puisse sérieusement menacer l’humanité toute entière. Nous étions entré.e.s dans une nouvelle ère.
Depuis lors, la possibilité d’un changement climatique fulgurant s’est ajoutée à la liste des risques catastrophiques menaçant les humain.e.s et les autres êtres sentients. Selon les estimations actuelles, les émissions de gaz à effet de serre sont susceptibles d’entraîner une augmentation de la température mondiale de 2,6ºC à 4,8ºC d’ici 2100. Si cela se produisait, les conséquences dramatiques potentielles seraient nombreuses : insécurité alimentaire et famine, propagation de maladies infectieuses qui affecteraient de façon démesurée les populations les plus démunies de la planète, montée des instabilités politiques, etc. De plus, il existe une probabilité non négligeable que des émissions non atténuées aboutissent à un changement climatique encore plus extrême qui pourrait s’avérer catastrophique pour l’humanité toute entière. Bien que la probabilité d’une telle augmentation soit relativement faible, le degré de préjudice qui en résulterait serait extrêmement élevé, ce qui signifie que la valeur attendue d’une carrière œuvrant à réduire ce risque peut également être très élevée.
Parmi les risques évidents de notre siècle (et dont beaucoup de personnes ont conscience), le risque d’une guerre ou d’un accident lié aux armes nucléaires est également à prendre en compte. Quelques bombes nucléaires peuvent tuer instantanément des millions de personnes. Elles posent même un risque d’extinction de l’espèce humaine en raison de la possibilité d’un hiver nucléaire et d’un effondrement social total et définitif. C’est toutefois un problème vis-à-vis duquel il peut être difficile d’agir pour la plupart des individus.
Au cours du siècle prochain, il est possible que de nouvelles technologies avec un potentiel de transformation extraordinaire apparaissent. Ces dernières pourraient métamorphoser notre avenir mais aussi poser de graves risques. La génération actuelle peut ainsi mettre en jeu l’avenir de l’humanité si elle ne parvient pas à orienter correctement le développement de ces technologies. Par exemple, il est très probable selon les avis des experts que le développement rapide des IA (intelligence artificielle), auxquelles nous déléguons de nombreuses décisions, puisse créer des problèmes très graves si nous ne sommes pas en mesure de correctement aligner leurs priorités et leur éthique avec nos intérêts. Il est également possible, d’autant plus avec le développement de la recherche en biologie de synthèse, que des pandémies très graves se produisent de nouveau. Ceci laisse à penser que la réduction des risques existentiels — c’est-à-dire le risque d’événements portant gravement atteinte à l’avenir de l’humanité — sera un des défis majeurs du XXIème siècle.
Plusieurs raisons justifient que l’on s’attaque à ces risques. En premier lieu, nous avons de bonnes raisons de penser que ces risques sont relativement élevés. On sait par exemple que de nombreuses catastrophes liées aux armes nucléaires ont été évitées de justesse. La récente crise sanitaire liée à la COVID-19 nous a par ailleurs rappelé notre manque de préparation face au risque pandémique. Par ailleurs, de telles catastrophes seraient d’une ampleur considérable, possiblement sans précédent. Cela est d’autant plus vrai si l’on s’intéresse à leurs conséquences à long-terme (sur les futures générations). Enfin, certains de ces risques sont hautement négligés. Moins de 100 millions de dollars par an sont actuellement consacrés à la sûreté en matière d’intelligence artificielle, par exemple.
Au-delà des risques existentiels, de nombreux autres problèmes, affectant des millions ou des milliards d’individus, restent extrêmement prioritaires aujourd’hui.
On peut en premier lieu mentionner le problème de l’extrême pauvreté et de la santé dans les pays pauvres. Chaque année, environ 10 millions de personnes meurent de maladies (notamment le paludisme, le VIH, la tuberculose) qui peuvent être soignées ou évitées pour quelques euros seulement. Par ailleurs, plus de 700 millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire et n’ont pas accès à suffisamment de calories et nutriments essentiels pour vivre en bonne santé. Enfin, environ 800 millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté, c’est à dire qu’elles survivent avec moins de 2$ par jour (en parité de pouvoir d’achat). Ces problèmes sont une source importante de souffrances et de morts qu’il est relativement facile de prévenir. Avec des interventions peu coûteuses, l’extrême pauvreté et les maladies infectieuses ou liées à la pauvreté peuvent être vaincues, d’où la possibilité d’avoir un impact très important dans ce domaine.
De nombreuses personnes dans l’altruisme efficace considèrent qu’il est important de se pencher sur la réduction de la souffrance animale, et notamment de celle issue de l’élevage intensif. En effet, 80 milliards d’animaux terrestres sont élevés et abattus chaque année dans le monde. L’état actuel de nos connaissances suggère qu’il est extrêmement probable que les animaux d’élevage soient sentients, et donc capables de souffrir ; la plupart d’entre eux connaissent très probablement des niveaux terribles de souffrance au cours de leur vie en raison du mauvais traitement qui leur est infligé. De plus, l’industrie de la viande est également l’un des principaux responsables du changement climatique, représentant 14,5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ainsi qu’un contributeur important au risque pandémique et à l’augmentation de l’antibiorésistance. Or, il semble y avoir des moyens efficaces de persuader les gens de s’orienter vers une alimentation végétale, et il est probable que de très bons substituts aux produits d’origine animale soient mis au point dans les prochaines années.
Enfin, il a été suggéré, notamment par l’organisation 80,000 Hours, que l’amélioration de la prise de décision institutionnelle pourrait également être une piste prometteuse pour avoir un impact positif sur le monde. En effet, les gouvernements et autres institutions importantes doivent souvent prendre des décisions complexes et à enjeux élevés sur la base du jugement d’une poignée de personnes seulement. Il y a lieu de croire que les jugements humains peuvent être faussés de plusieurs façons (notamment par des biais cognitifs ou affects), mais qu’ils peuvent être considérablement améliorés par certaines techniques et pratiques plus systématiques. L’amélioration de la qualité de la prise de décision dans les institutions importantes pourrait ainsi augmenter notre capacité à résoudre presque tous les autres problèmes. Elle pourrait également aider la société à identifier des éléments clés à la base des problèmes auxquels nous faisons face.
Cela étant dit, l’altruisme efficace ne prétend pas offrir de réponses certaines et définitives quant à l’identification de causes prioritaires. Il s’agit avant tout de mobiliser un ensemble d’outils et de concepts dont les conclusions pourront varier en fonction de l’avancée de nos connaissances et de la manière dont les causes évoluent. Il est à tout à fait possible que nous découvrions par la suite que des problèmes bien plus urgents existent, ou bien que nous reconsidérions le caractère prioritaire d’un problème déjà identifié. Pour cette raison, il est également prometteur de s’orienter vers la recherche sur les priorités mondiales.
Vous pouvez consulter la liste de tous les problèmes analysés par 80,000 Hours jusqu’ici, et je vous encourage à vous renseigner plus en détail sur ceux qui vous intéressent le plus. Des problèmes qui ne sont pas évoqués pourraient quand même mériter que vous les exploriez si vous êtes très motivé.e par l’un d’entre eux. J’aborderai cette question plus en détail dans la section sur l’adéquation personnelle.
Les carrières qui contribuent efficacement à résoudre ces problèmes
Pour les mêmes raisons qu’il est bénéfique de travailler sur des problèmes négligés, il est généralement intéressant, pour répondre à ces problèmes, d’explorer des approches relativement peu utilisées au regard de leur efficacité. Compte tenu des priorités globales et des éléments qui en bloquent la résolution, je passe ici en revue cinq types de carrière en m’inspirant des recommandations de 80,000 Hours. Ils peuvent servir de point de départ pour votre réflexion si vous avez encore de la marge de manœuvre dans le choix de votre orientation professionnelle.
Si certains conseils pourraient être moins adaptés au contexte français (étant donné qu’ils proviennent de recherches menés dans des pays anglo-saxons), je me suis toutefois efforcé de garder uniquement les conseils qui semblaient les plus pertinents.
1) Faire de la recherche dans des domaines importants
Nombre des problèmes mondiaux prioritaires voient leur résolution limitée par un manque de recherche. Suivre cette voie implique souvent de poursuivre des études longues dans un domaine important et que l’on juge intéressant, puis de faire de la recherche ou de soutenir les chercheuses et chercheurs qui en font.
Des cinq types de carrière décrits, la recherche est le domaine qui demande sans doute le plus d’investissement en temps. Il présente toutefois d’importants avantages et, dans certaines disciplines, faire des études supérieures donne un bon capital professionnel facilitant l’insertion dans les quatre autres types de carrières qui suivent. Ainsi, si vous avez le bon profil pour une carrière de chercheuse ou chercheur, il est souvent bien de commencer par ce métier.
Vous pouvez également choisir de soutenir le travail de collègues en assurant un rôle de gestion de projet ou de collecte de fonds (fundraising). Ces postes sont souvent négligés, et donc particulièrement prometteurs.
Voici une liste (non-exhaustive) des domaines d’études qui semblent particulièrement pertinents : neurosciences, machine learning, statistiques, économie, relations internationales, études sur la sécurité, sciences politiques, sociologie, politiques publiques, biologie synthétique, bio-ingénierie, génie génétique, études sur la Chine, et psychologie de la décision (voici un article pour en savoir plus sur la question de savoir quoi étudier).
2) Opter pour les institutions publiques ou la politique dans un domaine lié à un problème majeur
L’État est une force cruciale pour s’attaquer aux problèmes mondiaux prioritaires, et de nombreux postes en son sein peuvent offrir un réseau et une influence importante relativement à leur degré de compétitivité.
Il est souvent conseillé que les gens développent une expertise dans un domaine pertinent avant d’essayer d’avoir un poste politique ou institutionnel où ils puissent aider à résoudre un problème important. Une autre option consiste à développer d’abord son capital professionnel en matière politique ou institutionnelle (peut-être en occupant un poste plus généraliste dans la fonction publique, un organisme public, ou en briguant une position dans un parti politique), puis à utiliser les compétences et l’expérience acquises pour travailler — dans un second temps — sur un problème prioritaire.
Vous pouvez également influencer la politique à l’extérieur du gouvernement en travaillant dans un think tank ou une entreprise qui s’intéresse à un problème majeur. Dans les domaines très techniques, travailler au sein d’une entreprise de premier plan peut même vous apporter un très bon capital professionnel si vous voulez accéder ensuite à des postes politiques stratégiques à l’intérieur de votre champ d’expertise. Les journalistes peuvent aussi être très influents, même si le lien est moins clair entre le travail de journaliste et l’obtention d’autres postes dans le domaine politique.
Voici quelques domaines intéressants en matière de politique : la politique technologique, les études sur la sécurité, les relations internationales (en particulier les relations Chine-Occident), et la santé publique, avec un accent particulier sur les pandémies et le bioterrorisme.
3) Travailler au sein d’organisation efficaces sans but lucratif
Il semble que de nombreux organisations sans but lucratif n’aient pas beaucoup d’impact. Cependant, il en reste beaucoup qui s’attaquent à des problèmes mondiaux urgents et qui sont parfois uniquement limités par un manque de personnes qualifiées pour apporter une contribution réellement significative. Cela signifie que vous pouvez avoir beaucoup d’impact en choisissant cette voie.
L’un des principaux avantages des organisations sans but lucratif est qu’elles peuvent s’attaquer aux problèmes les plus négligés, comme ceux où les mécanismes de marché sont défaillants, la recherche peu en vogue dans le milieu universitaire, ou le plaidoyer politique au nom de groupes dépourvus de pouvoir comme les animaux ou les générations futures.
Si cette option vous intéresse, commencez par dresser une liste des organisations sans but lucratif qui s’attaquent aux problèmes que vous jugez prioritaires (ou spécifiquement aux 2–3 problèmes qui vous intéressent le plus) d’une manière efficace. Il est souvent très difficile d’entrer dans les meilleures organisations sans but lucratif d’un domaine, mais vous pouvez toujours élargir votre recherche pour y inclure un éventail plus large d’organisations. Cherchez ensuite un emploi qui puisse vous convenir en leur sein. Pour en savoir plus, vous pouvez lire cet article suggérant de nombreux conseils pour les personnes souhaitant travailler dans une organisation non lucrative.
4) Mettre à profit des compétences rares dans un domaine de niche
Si vous possédez déjà une solide gamme de compétences, pouvez-vous les appliquer à l’un des problèmes prioritaires ? S’il y a un domaine dans lequel vous pouvez exceller, cela vaut sans doute la peine d’envisager de travailler dans ce dernier — tant pour l’impact potentiel que vous pourriez avoir que pour votre capital professionnel. L’excellence dans un domaine peut en effet vous ouvrir des portes. C’est encore plus probable si vous travaillez dans un secteur assez spécifique.
Par exemple, l’anthropologie n’est pas un domaine recommandé habituellement si l’on veut avoir un impact social. Mais il s’est avéré que pendant la crise Ebola, les anthropologues ont joué un rôle vital en comprenant comment les pratiques funéraires affectaient la transmission du virus et comment on pouvait les changer. Cela signifie que si vous possédez des compétences très spécifiques qui peuvent dans certains cas servir à résoudre des problèmes majeurs, se spécialiser dans un domaine qui y est associé peut constituer une bonne option.
Dans ce cas, adressez-vous idéalement à des expert.e.s du domaine, afin de trouver comment vos compétences pourraient y être appliquées.
5) « Gagner pour donner »
Dans tous les cas, si vous parvenez à un emploi où vous gagnez plus que ce dont vous avez besoin et que les catégories précédentes ne vous conviennent pas, vous pouvez envisager de « gagner pour donner ». S’orienter vers cette stratégie vaut également le coup si vous avez un bon profil pour une carrière très rémunératrice.
En donnant aux organisations identifiées comme ayant un grand impact positif, presque n’importe quelle personne ayant un travail bien rémunéré peut avoir un impact immense. Si vous pensez que c’est une bonne idée, vous pouvez donc essayer de gagner plus d’argent afin d’en donner une grande partie à des organisations efficaces.
Tout le monde ne souhaite pas changer de carrière, ni n’est adapté à l’éventail restreint des emplois ayant le plus d’impact sur les problèmes mondiaux les plus urgents. Cependant, par le don, n’importe qui peut avoir un impact très important en convertissant sa force de travail en ressources à destination des problèmes prioritaires. Cela peut vous permettre de poursuivre votre carrière de prédilection, tout en contribuant à des domaines urgents qui demandent une gamme de compétences précises (que vous n’avez pas).
Pour celles et ceux qui ont un profil adapté à une carrière très rémunératrice, essayer de gagner beaucoup d’argent pour le donner ensuite peut ainsi s’avérer être l’option ayant le plus d’impact. Voici une liste des emplois les mieux rémunérés, même si vous pouvez gagner de l’argent pour donner dans n’importe quel emploi payant plus que ce dont vous avez besoin pour vivre décemment.
Lorsque vous optez pour cette voie, il est également important de choisir un travail qui vous convient (1), qui ne cause pas de tort important par ailleurs (2), et qui vous permet si possible d’accumuler du capital professionnel (3) — surtout si vous comptez vous réorienter par la suite vers un métier à impact plus élevé. Si gagner de l’argent pour donner, et les limites de ce choix de carrière, vous intéressent, vous pouvez en apprendre plus en lisant cet article.
Ces cinq catégories sont un bon point de départ. Notez cependant qu’elles ne conviennent pas à tout le monde — surtout si vous avez une expérience et des compétences dans un autre domaine (voir un aperçu du raisonnement qui sous-tend ces catégories). Voici également une liste des carrières parmi les plus prometteuses en termes d’impact espéré.
6) Trouver d’autres d’options
Il existe de multiples façons d’avoir un impact important hors des sentiers évoqués précédemment. Certaines sont traitées dans les pages de 80,000 Hours sur les problèmes spécifiques. Voici également quelques conseils pour réfléchir à plus d’options, pas à pas.
Si vous songez à une autre façon de contribuer au monde, je vous encourage en tout cas à y réfléchir et à parler à des gens qui pourront vous éclairer, afin de déterminer si c’est un bon choix personnel.
III) Comment avoir une carrière à impact ?
Dans cette dernière partie de la série, je présente une méthode pratique permettant d’utiliser tout ce qui a été abordé précédemment afin de déterminer les actions concrètes à envisager par la suite, avant de terminer en évoquant plus en détail d’autres aspects importants d’une carrière, tels que l’adéquation personnelle, le bien-être, ou le capital professionnel.
Comment rédiger votre plan de carrière et choisir la prochaine étape ?
Cette section présente une méthode permettant d’utiliser tout ce que nous avons abordé précédemment et de déterminer les actions concrètes à envisager par la suite.
Je vous conseille une approche méthodique pour prendre vos décisions, et de passer du temps à étudier les différentes options qui s’offrent à vous. En effet, les choix de carrière sont très importants et méritent donc un investissement conséquent en temps.
Les étapes que je vous propose maintenant pour réfléchir méthodiquement à votre plan de carrière, et qui synthétisent tout ce qui a été dit jusqu’ici, est le suivant :
1) Identifiez quelques-uns des problèmes les plus prioritaires qui vous intéressent.
2) Identifiez les principaux goulots d’étranglement pour résoudre ces problèmes (le manque de recherche, de financement, d’action politique, ou autre chose encore ?) afin de trouver les trajectoires professionnelles à long terme qui seraient les plus utiles.
3) Créez une liste restreinte des trajectoires qui vous conviendraient le mieux.
4) Déterminez si vous progresserez plus rapidement dans l’une ou l’autre de ces voies. Si vous n’êtes pas sûr de ce qui est préférable à long terme, songez également à développer un capital carrière utile dans de nombreux domaines prioritaires. Complétez ou modifiez votre liste en conséquence.
5) Examinez et testez les options de votre liste restreinte pour trouver celles avec lesquelles vous êtes le plus en adéquation.
6) Poursuivez la voie en haut de la liste, celle qui vous semble la plus prometteuse à long terme si tout se déroule bien (mais qui reste réaliste). Ayez toutefois un plan de secours. Votre plan B devrait comprendre de bonnes solutions de rechange vers lesquelles il sera relativement facile de se rediriger si votre meilleure option échoue. Par ailleurs, réfléchissez aussi à un « plan Z », c’est-à-dire à la façon dont vous subviendriez à vos besoins si tout tournait mal.
7) Revoyez votre plan de carrière environ une fois par an, mais pour le reste, concentrez-vous sur la poursuite optimale de votre voie actuelle.
En matière d’action, voici quelques conseils sur comment obtenir un emploi et comment mieux réussir dans votre parcours.
Autres aspects importants de la carrière
1) L’adéquation personnelle : augmenter ses chances de trouver une carrière où l’on excellera
Une fois que vous avez identifié quelques options prometteuses, l’étape la plus importante est de trouver là où vous avez le plus de chances d’exceller. C’est ce que l’on peut appeler l’adéquation personnelle (personal fit).
En effet, au sein d’un même domaine, les personnes sont loin d’être toutes aussi compétentes. Cela signifie que l’adéquation personnelle est l’un des facteurs les plus importants pour déterminer l’impact espéré de votre carrière. Exceller dans votre travail accroît également votre satisfaction, votre capital professionnel, et élargit l’éventail de vos options futures. Si vous avez une bonne adéquation personnelle avec un certain type de carrière, cela peut être raisonnable de la préférer à une autre dont l’impact semble a priori plus élevé. Par ailleurs, puisque vous avez peu de chance d’exceller dans un travail si cela ne vous plaît pas, c’est une raison supplémentaire de ne pas poursuivre une carrière que vous n’aimez pas.
Cependant les recherches sur la question suggèrent qu’il est difficile de prédire la performance des gens — y compris la nôtre — et que notre instinct nous induit souvent en erreur. Je pense que la meilleure façon d’arriver à une estimation fiable de notre adéquation personnelle est sans doute de tenter des expériences courtes (par exemple un stage ou du bénévolat dans le même domaine) et d’en tirer les leçons, mais aussi de demander à des personnes compétentes d’évaluer vos chances de réussite dans le domaine.
2) L’exploration : opter pour l’option la plus bénéfique à long terme tout en gardant un plan de rechange
Même si vous n’êtes pas certain.e de votre adéquation personnelle avec une carrière qui pourrait avoir un grand impact, il ne faut généralement pas hésiter à tenter de la poursuivre (tant qu’il n’y a pas de risque important que vous causiez du tort par inadvertance).
En effet, les avantages et les inconvénients de l’optimisme sont généralement asymétriques : dans le meilleur des cas, vous avez un impact important sur de nombreuses années ; si cela ne fonctionne pas, il vous suffit de passer à autre chose et vous ne perdez que quelques mois ou années.
Si vous adoptez cette stratégie, il reste toutefois important d’avoir un plan de secours. Ce plan de secours peut inclure une position proche vers laquelle vous rediriger — votre plan B –, mais devrait certainement inclure un moyen de subvenir à vos besoins au cas où vos projets tournent mal — votre plan Z. Cet article donne plus de détails sur la façon de procéder. Et si à l’heure actuelle vous n’êtes pas en mesure de poursuivre votre meilleure option parce qu’elle est trop risquée, c’est très bien aussi : choisissez une des voies moins risquées de votre liste restreinte, ou concentrez-vous sur le développement de votre capital professionnel.
3) Les dégâts accidentels : le risque de faire plus de mal que de bien, et comment le réduire
Pour avoir le plus grand impact, nous encourageons les gens à travailler sur des questions importantes et négligées. Malheureusement, ces domaines sont souvent empreints de risques et il est facile d’aggraver accidentellement la situation au lieu de l’améliorer.
Par exemple, il est difficile de changer une première impression, donc si vous menez une campagne de communication sur un nouveau sujet, vous pouvez compliquer à l’avenir la conduite d’une campagne différente. Nous parlons dans ces cas-là d’effet de lock-in (verrouillage). Si vous découvrez plus tard une façon plus efficace d’aborder le problème, la première campagne aura ainsi peut-être eu un impact négatif.
Cela signifie qu’avant de vous concentrer sur l’option la plus bénéfique, il est important d’atténuer les risques que vous ayez un impact négatif majeur. Pour ce faire, il peut être utile de développer une connaissance profonde dans votre domaine, de trouver de bons mentors, et de bien coordonner vos actions avec celles de vos pairs. D’autres stratégies sont listées ici.
4) Le capital professionnel : la nécessité d’investir d’abord dans le développement de ses compétences et de ses opportunités futures
Une autre considération à prendre en compte a trait au capital professionnel, soit les compétences, les relations sociales, les diplômes, et les expériences qui peuvent vous aider à avoir plus d’impact dans le futur. De plus, certaines habitudes que vous acquerrez pourront vous rendre plus productifs : faire l’effort de les adopter devrait vous permettre d’accomplir bien plus sur une période de 40 ans.
Si dans des emplois prestigieux — comme le conseil — vous développerez un capital professionnel transférable à d’autres domaines, vous pouvez également travailler avec n’importe quelle bonne équipe (dans n’importe quel secteur) qui puisse vous permettre d’acquérir les compétences spécifiques les plus nécessaires dans les domaines urgents (par exemple, la gestion et le management des opérations dans de petites organisations, la recherche, le travail en autonomie).
Si vous n’êtes pas certain.e de l’option à choisir et que vous ne voyez pas comment réduire cette incertitude au cours des deux prochaines années, une bonne stratégie consiste donc à tenter d’obtenir un capital professionnel transférable dans de nombreux domaines, et à repousser à plus tard le moment de décider quelle sera la voie par laquelle vous allez commencer. Par exemple, si vous apprenez à être un.e bon.ne gestionnaire de projet, cela devrait vous ouvrir de nombreuses portes car la plupart des organisations ont besoin de cette compétence.
5) La coordination : savoir travailler au sein d’un groupe afin d’avoir plus d’impact
Vous aurez sans doute bien plus d’impact si vous vous coordonnez avec d’autres gens, car la coordination permet de se diviser le travail en se spécialisant, et ainsi d’avoir un impact collectif bien plus important. Au sein d’un collectif ou d’un groupe qui se coordonne, vous pouvez déterminer quelles priorités sont les plus négligées par le groupe et celles dans lesquelles vous pourriez avoir le plus grand avantage comparatif. Cela peut impliquer de devoir se concentrer sur des questions moins urgentes, ou avec lesquelles vous avez une plus faible adéquation personnelle, s’il s’avère qu’elles sont insuffisamment traitées par le reste du groupe.
Vous trouverez peut-être utile de vous impliquer dans le mouvement de l’altruisme efficace. Il existe bien sûr d’autres mouvements dans lesquelles vous pouvez vous impliquer, comme ceux qui se focalisent sur des problèmes spécifiques — tels que la pauvreté dans le monde ou le changement climatique.
6) Le bien-être personnel : concilier vie heureuse et impact social
Il y a moins de tension entre vie heureuse et impact social qu’on ne le croit souvent. Trouver un travail où vous excellez et qui aide les autres est gratifiant. De plus, si vous trouvez un travail qui vous plaît et qui s’équilibre bien avec votre vie personnelle, vous aurez plus de chances de vous surpasser sur le long terme et d’inspirer d’autres personnes à suivre une telle voie. Aimer son travail et avoir un impact sont donc des objectifs qui sont vont souvent de pair. Cela dit, il arrive parfois que des conflits surviennent, et savoir comment les gérer est une question difficile.
Bien que l’on puisse avoir pour objectif professionnel d’avoir le plus grand impact positif possible, beaucoup de gens considèrent qu’avoir un impact positif n’est qu’un objectif de carrière parmi d’autres, lesquels peuvent inclure d’autres buts, comme aider sa famille ou réaliser ses projets personnels. Quel que soit votre point de vue sur le sujet, il faut souligner qu’il est dangereux de faire trop de sacrifices personnels, car cela mène à l’épuisement et réduit à la fois notre bien-être et notre impact à long terme. Cultivez donc également la compassion envers vous-même et pas seulement envers les autres.
Je vous ai donné quelques outils en main pour réfléchir à votre carrière professionnelle pour avoir le maximum d’impact social. J’espère que vous trouverez la carrière qui vous convient le mieux !
Si vous souhaitez en savoir plus sur le conseil de carrières, je vous recommande bien sûr d’aller lire plus en détail le site Internet de 80,000 Hours. Si la perspective altruiste efficace qui sous-tend ces travaux vous intéresse, il existe beaucoup de ressources introductives en anglais, et de plus en plus en français.