La fable du garçon qui criait « 5 % de chance de loup ! »

Altruisme Efficace France
18/9/2023

Cet article est une traduction de The Parable of the Boy Who Cried 5% Chance of Wolf par Kat Woods. L’article a été publié à l’origine sur le compte Twitter et le blog de Kat.

Il était une fois un garçon qui criait : « Il y a 5 % de chance qu’il y ait un loup ! ».

Le premier jour, les villageois accoururent, ne virent aucun loup et dirent : « Il a dit qu’il y avait un loup, et il n’y avait aucun loup. Donc ses probabilités sont fausses, ce n’est qu’un alarmiste ! »

Le deuxième jour, le garçon entendit un bruissement dans les buissons et s’écria : « Il y a 5 % de chance qu’il y ait un loup ! ».

Certains villageois accoururent, d’autres non.

Il n’y avait aucun loup.

Les sceptiques restèrent au lit et eurent le plaisir de se sentir supérieurs : « Ce garçon n’arrête pas de crier au loup, mais il n’y a jamais de loup ! »

« Je n’ai pas dit qu’il y a un loup ! » s’écria le garçon. « J’estimais que la probabilité qu’il y ait un loup était faible, mais suffisamment élevée pour sonner l’alarme. Quand c’est une question de vie ou de mort, il vaut mieux prendre le risque d’une fausse alerte que de ne pas repérer un vrai loup ! La valeur espérée de mon action est positive ! »

Les villageois ne comprenaient rien à ce que disait le garçon et décidèrent de l’ignorer.

Le troisième jour, le garçon entendit des bruits qu’il ne parvenait pas à identifier, mais qui ressemblaient drôlement à ceux d’un loup. « Il y a 5 % de chances qu’il y ait un loup ! » s’écria-t-il.

Aucun villageois n’accourut.

Il y avait un loup.

Le loup les dévora tous.

Parce que les villageois ne raisonnaient pas en termes de probabilités.

La morale de cette histoire, c’est que nous devons nous attendre à un grand nombre de fausses alarmes avant qu’une catastrophe ne se produise ; ça ne veut pas dire qu’une catastrophe imminente mais improbable ne se produira jamais !

Par le passé, il est arrivé que des gens estiment qu’une pandémie risquait de se produire avec une probabilité faible mais assez élevée pour sonner l’alarme. Quand la pandémie n’a pas eu lieu, ça ne veut pas dire que ces gens avaient tort ! Les virus H1N1 et SRAS ne sont pas devenus des pandémies mondiales, mais ils auraient pu. La probabilité était faible, mais suffisamment élevée pour sonner l’alarme.

Le problème, c’est que du coup, tout le monde s’est dit : « Regardez ! On a paniqué pendant les dernières épidémies et pourtant tout s’est bien passé. Ça veut dire qu’on est nuls en prédiction et trop alarmistes, et qu’on ne devrait pas s’inquiéter qu’il y ait une pandémie. »

Et puis il y a eu le Covid.

Ce ne sera pas la dernière fois. Ça va se reproduire, que ce soit à propos d’une pandémie ou d’autre chose.

Les gens tireront la sonnette d’alarme et dans les médias, toute réflexion nuancée sur les probabilités sera jetée par la fenêtre.

Vous entendrez ces médias affirmer sans réfléchir que la catastrophe X va tout faire foirer très bientôt.

Ils auront tort, rien ne se passera.

Et quand la catastrophe X ne se produit pas, n’exagérez pas la mise à jour de votre modèle du monde. En d’autres termes, ne vous dites pas : « Ils ont déjà crié au loup et rien ne s’est passé, donc ils ne sont plus crédibles ».

Dites-vous plutôt : « Je me demande quelle probabilité ils ont placée sur X ? Et quelle probabilité, moi, je devrais placer sur X ? Est-ce que c’est une probabilité assez élevée pour mettre en place les précautions adéquates ? »

Quand quelqu’un lance que la guerre nucléaire n’a toujours pas eu lieu malgré toutes les frayeurs qu’on a eues, quand quelqu’un vous rappelle que pendant les années 90, l’IA n’avançait pas beaucoup malgré tout le battage médiatique… rappelez-vous du garçon qui criait « 5 % de chance de loup ! ».